Analyse du grief : 08-10-011725/44177 du 14 mai 2018.
Extrait de la sentence arbitrale.
Mise en contexte : un professeur du SPEQ dépose un grief contestant le refus de l’employeur de lui accordé une période de non disponibilité lorsqu’il y a amplitude horaire à son horaire.
En effet, ce professeur devait être présent au travail pendant 10 heures un jour et 9 heures un autre jour, alors que la convention collective prévoit des dispositions lorsqu’une situation de genre survient. Toutefois, l’employeur refuse d’indemniser le professeur puisqu’il considère qu’entre 2 cours, le professeur a une pause minimale de quatre heures, le premier jour, et de trois heures le second jour. Pour lui, le professeur n’est pas disponible pour la collectivité.
Au paragraphe 5, l’arbitre pose la question suivante :
« Est-ce que la plaignante a dépassé la disponibilité quotidienne de 7 heures? L’établissement a-t-il contrevenu à la convention collective en ne lui reconnaissant pas une période de non-disponibilité? »
Les faits :
Lors de la production des horaires de travail, le professeur « constate qu’il devra être présent dans l’établissement sur une période minimum de 10 heures le mardi et de 9 heures le mercredi. Le professeur rencontre en décembre le Directeur le directeur M. XXX pour lui exposer la problématique. Le professeur mentionne que dans le passé, l’employeur avisait l’enseignant pour trouver des solutions ».
De plus, « le professeur rencontre M. XXX, responsable de la confection des horaires en remplacement de Mme XXX, en congé de maternité, pour lui expliquer son point de vue. Celui-ci lui répond que l’employeur est en droit d’agir ainsi. Le professeur demande à son syndicat de vérifier si son horaire respecte la convention collective. Des échanges ont lieu entre le syndicat et l’employeur sans succès d’où le dépôt d’un grief. »
Appelé à témoigner, l’ancien supérieur immédiat du professeur plagiant « mentionne que dans la fonction publique, la semaine normale de travail est de 35 heures à raison de 7 heures par jour. Elle trouvait inconcevable qu’un professeur fasse de 10 à 11 heures de travail dans une journée sans lui donner l’occasion de reprendre du temps par la suite. Le professeur entre nécessairement avant 8 heures le matin et quitte après 18 heures ce qui allonge encore plus son temps de travail. La tâche de l’enseignant n’est pas simplement de donner des cours. Il doit rencontrer ses étudiants, participer à de nombreuses rencontres avec les autres professeurs, préparer ses cours, faire les corrections etc. C’est même arrivé qu’on paye du temps supplémentaire. »
De plus, le superviseur immédiat ajoute qu’elle « s’entendait donc le plus souvent avec le professeur, dans une situation semblable à celle du professeur plaignant, pour qu’il entre plus tard une autre journée en compensation des heures excédentaires dans une journée de travail normal. Elle indiquait à sa secrétaire que tel professeur avait la permission de le faire à telle journée dans la semaine. Elle le faisait de façon systématique. Elle devait toutefois savoir à quel moment ce temps était repris. Ce n’était pas une cachette. Le directeur de l’établissement, M. XXX, était au courant de ces arrangements avec les professeurs. »
Le témoin de l’employeur ne vient pas à contredire les faits véhiculés dans le témoignage du professeur plaignant.
L’arbitre met en relief des éléments d’argumentation de la plaidoirie déposés par le syndicat :
« Or, dans le présent dossier l’horaire de travail de la Salariée viole clairement l’article 22A.3 b), et son dernier alinéa, puisque cette dernière se retrouvait avec une journée de dix (10) heures le mardi (sans exclure la période de dîner) et de neuf (9) heures le mercredi (sans exclure la période de dîner); »
« Selon son témoignage, tout au long de l’hiver 2017, la Salariée a été disponible pour son employeur, collègues et étudiants et dans la réalisation de sa charge de travail le mardi et le mercredi entre les périodes de cours; »
« L’Employeur a fait défaut de compenser la Salariée par des périodes de non-disponibilité équivalentes alors que c’est ce que prévoit la convention collective au dernier alinéa de l’article 22A.3; »
« Il est facile pour l’Employeur de plaider aujourd’hui qu’il ne requérait pas à la Salariée de rester au travail alors qu’à aucun moment il n’a pris entente avec cette dernière pour réduire ses heures relatives aux autres journées de travail et pour s’assurer qu’elle bénéficie de réelles périodes de non-disponibilité; »
« Il a plutôt profité tout au long de l’hiver 2017, de la présence additionnelle d’une professeure dévouée à son service et ce, en violation de la convention collective; »
« Tel que précisé par la Salariée et son ancienne supérieure Mme XXX, elle ne pouvait décider par elle-même de réduire son horaire ou de s’absenter. L’Employeur doit participer à la détermination des périodes de non-disponibilité pour s’assurer de l’absence de réunion, de contacts avec des étudiants, des collègues etc.; »
« L’Employeur adopte un comportement totalement déraisonnable, alors qu’il viole impunément la convention collective, en tentant de faire porter aux professeurs le fardeau de ne pas avoir à se présenter au travail entre les cours et en soutenant qu’il n’a rien demandé à cet égard; »
De plus, la procureure de la partie syndicale ajoute :
« Or, l’Employeur pouvait agir comme il l’a fait mais en offrant à la professeure concernée des périodes réelles de non-disponibilité équivalentes. Nous réclamons donc comme compensation l’équivalent du salaire applicable aux périodes de non-disponibilité pertinentes perdues pour l’hiver 2017 (cinq (5) heures par semaine); »
« Rappelons qu’il est faux de dire que les périodes « entre les cours » sont des périodes de non-disponibilité alors que la professeure a précisé qu’il était déraisonnable pour elle de retourner à son domicile et que l’Employeur ne faisait aucune démarche pour garantir sa non-disponibilité lors desdites périodes; »
« Ajoutons que l’article 57 de la Loi sur les normes du travail prévoit qu’un employé est réputé au travail lorsqu’il est à la disposition de son employeur sur les lieux du travail et qu’il est obligé d’attendre qu’on lui donne du travail; »
« L’Employeur démontre clairement un comportement totalement déraisonnable en précisant à la Salariée, lors de son contre-interrogatoire, qu’elle aurait pu « peindre » entre les cours alors qu’il est mis en preuve le travail réalisé par cette dernière; »
Et la procureure syndicale continue en ajoutant :
« La preuve que tente de faire l’Employeur est hypothétique, et complétement éloignée de la réalité vécue par les professeurs qui sont lourdement sollicités par les étudiants, collègues et par l’ampleur de la tâche à réaliser en trente-cinq (35) heures par semaine; »
« Nous sommes d’avis que les dispositions de la convention collective sont claires, doivent être appliquées et ne nécessitent pas d’interprétation. Nous avons malgré tout mis en preuve le comportement, les usages et les façons de faire des parties à cet égard. Dans le contexte où le présent Tribunal trouverait les dispositions ambigües il est possible de se référer à la pratique passée qui va dans le même sens que nos prétentions; »
En contre partie, la partie patronale dépose les arguments suivant en plaidoirie :
« Le procureur de l’employeur soumet que la plaignante est libre de faire ce qu’elle veut entre ses périodes de cours dans une même journée. Elle était libre de faire ce qu’elle voulait dans la journée. À titre d’exemple, elle pouvait s’adonner à la peinture après son cours du matin les mardis et mercredis. Elle n’était pas tenue d’être présente à l’ITA entre son cours du matin et celui de l’après-midi. Son horaire peut être brisé dans une même journée. C’est à elle de s’organiser. »
« Rien n’empêchait la plaignante de rentrer plus tard au travail une autre journée pour compenser les heures excédentaires lorsqu’elle enseignait à l’extérieur de l’horaire de présence au travail. Les professeurs peuvent faire ce qu’ils veulent. Il n’y a pas de responsables pour surveiller les entrées et sorties à l’ITA. »
« Si un professeur dépasse 35 heures dans une semaine, il peut rester sur le campus et s’occuper de ses affaires personnelles. La plaignante s’est mise elle-même en contravention de la convention collective. »
L’arbitre analyse les plaidoiries des parties de la manière qui suit :
« Nous ne pouvons retenir les prétentions de l’employeur dans la présente affaire. Avec respect, selon la preuve entendue, en particulier le témoignage de Mme Carole Simon qui a agi comme Directrice de l’Enseignement de nombreuses années, le professeur qui dépassait sept heures dans une même journée devait s’entendre avec la Direction pour reprendre son temps en se mettant en non-disponibilité. Le professeur ne pouvait tout simplement pas se mettre en non-disponibilité de lui-même sans avoir l’accord de son supérieur. »
« La charge de travail des enseignants qui sont des fonctionnaires de l’état est très bien encadrée dans la convention collective. Elle est de 35 heures par semaine tout comme plusieurs fonctionnaires au gouvernement. C’est d’ailleurs ce que rappelle Mme XXX dans son témoignage. »
« La convention collective prévoit qu’à l’intérieur de la semaine normale de travail le nombre d’heures de cours qu’un professeur doit donner : «La tâche hebdomadaire d’enseignement pour le professeur à temps plein peut varier entre quatorze (14) et dix-huit (18) périodes de cinquante (50) minutes ; pour le professeur à temps partiel, elle peut varier entre cinq (5) et treize (13) périodes selon les besoins d’enseignement ou le programme d’études».
« Les parties ont prévu à l’article 22A.2 que «Toute période d’enseignement au-delà du nombre maximal attribuable à un professeur en vertu du présent article est l’objet d’une rémunération additionnelle conformément au paragraphe 27.19». »
« Le dernier paragraphe de l’article 23A.3 est au cœur du présent litige : «Cependant, quand la disponibilité quotidienne excède sept (7) heures, le sous-ministre reconnaît au professeur une période de non-disponibilité équivalente de sorte que la disponibilité hebdomadaire n’excède pas trente-cinq (35) heures». »
De plus l’arbitre ajoute :
« Avec respect, l’employeur ne peut définitivement prétendre que le professeur peut lui-même se reconnaître une période de non-disponibilité. En vertu de son droit de gérance, il administre la convention collective. Les parties ont prévu en plus cette disposition spécifique dans le présent cas. Le sous-ministre, étant entendu que ce pouvoir est délégué à la Direction de l’ITA, s’est réservé le pouvoir de reconnaître une non-disponibilité équivalente. »
« Encore une fois, il ressort clairement du texte de la convention collective que la plaignante ne pouvait agir comme elle le voulait en regard de sa non-disponibilité. Elle a l’obligation d’être disponible à tous les jours du lundi au vendredi et en plus de fournir un travail exclusif tel que prévu à l’article 22A.3 c) : « Le professeur s’engage à fournir un travail exclusif à l’employeur pendant ses heures de disponibilité». »
L’arbitre conclue sa décision en condamnant l’employeur « à compenser la salariée XXX, en respect des dispositions de la convention collective, en lui versant le salaire correspondant aux périodes de non-disponibilité perdues pour la session hiver 2017 (cinq (5) heures par semaine), le tout avec l’intérêt prévu au Code du travail ; »
Décision rendue le 14 mai 2018 à Montréal.